Aguibou Bouaré, president de la CNDH : «Les droits humains ne sauraient s’accommoder de l’impunité face aux actes infractionnels»

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Aguibou Bouaré, président de la CNDH
Aguibou Bouaré, président de la CNDH

Dans une interview qu’il nous a accordée, le président de la Commission nationale des droits de l’Homme se prononce notamment sur les récentes manifestations du M5-RFP et les arrestations qui en ont découlé.

 Le Prétoire : Quel est votre regard sur la répression sanglante des 10-11-12 juillet dernier des manifestants du M5-RFP ?

 Aguibou Bouaré : En ma qualité de responsable de l’Institution nationale des droits de l’homme et du mécanisme national de prévention de la torture du Mali, je ne peux que dénoncer et condamner tous les actes d’abus et/ou de violation des droits humains.

La Cndh a tiré la sonnette d’alarme sur les risques de violation des droits humains, dès le début de cette crise sociopolitique, laquelle est venue se greffer à la crise multidimensionnelle que notre pays traverse depuis près d’une décennie. Nous avons constamment attiré l’attention de l’État sur le respect des droits humains, notamment la liberté de manifester pacifiquement, sans troubler l’ordre public. Nous avons également insisté sur la nécessité du respect des principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité en matière de maintien d’ordre. Malheureusement, notre volonté de prévention n’a pas suffi à éviter des violations graves des droits humains, à la suite du dérapage des événements des 10, 11 et 12 juillet courant. Conformément à notre mandat légal, nous avons donc exigé des enquêtes approfondies sur les cas d’abus et de violation des droits humains. Récemment, nous avons été informés de l’ouverture d’enquêtes par le parquet. Toutes choses que nous saluons; parallèlement, la Cndh produit un rapport d’établissement des faits sur les mêmes allégations, l’objectif étant de lutter contre l’impunité, sève nourricière des violations des droits de l’homme.

Sur le plan pénal, avez-vous entrepris des démarches judiciaires pour la recherche des auteurs de cet acte criminel tant du côté des autorités que des manifestants ?

Nous avons invité les autorités judiciaires à rechercher, poursuivre et sanctionner les auteurs et complices de toutes les violations des droits humains. Nous avons un mandat qui nous charge de recevoir des plaintes individuelles ou collectives sur toute allégation de violation des droits humains, de mener des enquêtes afin d’établir les faits, et de tout entreprendre en vue d’y mettre. Nous avons entamé des missions de monitoring qui nous ont conduits partout où des allégations de violations des droits humains ont été notifiées et enregistrées. L’objectif pour la Cndh est de parvenir au respect des droits humains sur toute l’étendue du territoire national.

Que dit la loi en matière de désobéissance civile et surtout de la comparution immédiate des manifestants du M5-RFP devant les juridictions ?

La désobéissance civile est certes consacrée dans la constitution du Mali. Mais sous la condition de l’atteinte à la forme républicaine de l’État. Maintenant, que faut-il attendre par l’atteinte à la forme républicaine ? C’est là où nous assistons à toutes sortes d’interprétations, d’insinuations. Pour nous défenseurs des droits humains, nous défendons les droits résultants d’instruments juridiques nationaux, régionaux et internationaux clairement réglementés, notamment le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à la torture, aux traitements inhumains ou dégradants, le droit à l’intégrité physique, la liberté d’opinion, le droit de grève, la liberté d’association, la liberté de presse, la liberté de manifester sans troubler l’ordre public. Je note l’absence de texte spécifique règlementant le concept de désobéissance civile, les modalités de sa mise en œuvre. Il est important d’expliquer que les droits humains ne sauraient s’accommoder de l’impunité face aux actes infractionnels.

Avez-vous rendu visite aux personnes incarcérées et bénéficient-elles d’une assistance quelconque de la Cndh ?

Depuis les premières interpellations liées à la crise sociopolitique, nous avons mené des missions de monitoring pour nous assurer du respect des droits des personnes gardées à vue ou détenues. Je rappelle que la Cndh est le mécanisme national de prévention de la torture. À ce titre, elle est chargée d’effectuer des visites inopinées ou régulières au niveau de tous les lieux de privation de liberté. L’objectif est de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes gardées à vue ou détenues. C’est ainsi que lors de notre visite au Camp 1 de la gendarmerie, nous avons dénoncé la violation de la loi lorsqu’au prétexte d’instructions de la hiérarchie, certains agents nous ont interdit l’accès aux cellules de garde à vue des personnes ayant allégué la violation de leurs droits à la dignité. Certaines personnes ont qualifié les circonstances de leur interpellation d’enlèvement, d’arrestation arbitraire. C’est le lieu de rappeler que les droits humains protègent toute personne, et la Cndh a veillé, en son temps, au respect des droits de certaines personnalités. Nul n’est à l’abri de la violation de ses droits, quel que soit son rang social. La protection des droits de l’homme est une responsabilité partagée.

La Cndh veille à ce que le droit des personnes, traduites en comparution immédiate, à l’accès à une justice indépendante, impartiale et équitable, respectueuse des droits de la défense, soit respecté.

Que Dieu préserve notre patrie !

Propos recueillis par Birama FALL

Source : Le Prétoire

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