«La consommation de la viande, de la chair de poule ne constitue pas une voie de transmission privilégiée de la grippe aviaire»
Le département de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche a annoncé dans un communiqué officiel, le lundi 26 avril 2021, l’apparition de la grippe aviaire dans des exploitations avicoles à Bamako, à Kati et à Sikasso. Selon le communiqué, le constat a été fait par les laboratoires d’analyses au Mali suite à la forte mortalité des volailles dans les exploitations citées ci-dessus. Dans une interview qu’il nous a accordé, le lundi 10 mai 2021, le Chef de section de la surveillance épidémiologique à la Direction Nationale des Services Vétérinaires, Dr. Seydou Dara nous parle en détailde l’évolution de cette maladie, des dispositions prises pour circonscrire et des liens avec la santé humaine. Selon lui, plus 80 000 sujets ont été déjà abattus et la consommation de la viande, de la chair de poule ne constitue pas une voie de transmission de la grippe aviaire.
Républicain : Le département de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche annonçait dans un communiqué, il y a quelques jours, l’apparition de la grippe aviaire dans notre pays. Quel est l’historique et quelle est la portée de cette menace de la grippe aviairepour les producteurs et les consommateurs ?
Dr. Seydou Dara : La grippe aviaire est une maladie zoonotique c’est-à-dire que c’est une maladie qui peut affecter les humains mais les pays voisins comme la Mauritanie, le Sénégal et le Niger sont aussi affectés au même moment que le Mali. Au Mali, trois foyers ont été détectés dont un foyer à Sikasso, un foyer à Kati et un autre à Bamako. Pour ce qui concerne ces foyers, les sujets atteints et les sujets qui étaient présents ont été tous abattus, mais la surveillance continue pour voir la circulation du virus dans les autres exploitations traditionnelles comme modernes. Pour ce qui concerne la consommation comme nous l’avons souligné en haut, c’est une maladie zoonotique, mais il faut rappeler que la consommation en soit n’est pas une voie de transmission privilégiée. La consommation de la viande, de la chair de poule ne constitue pas une voie de transmission, mais il n’est pas conseillé de mettre sur le marché des oiseaux affectés par la grippe aviaire. La grippe aviaire se transmet plutôt par la manipulation répétée des oiseaux affectés. Cela veut dire que les personnes les plus exposées sont celles qui travaillent dans les fermes avicoles et celles qui travaillent dans le processus d’abattage de plumages des oiseaux.Dès que des sujets sont atteints, on les abat et on détruit la chair pour autant la consommation de la chair d’oiseaux affectés ne constitue pas un danger en tant que telle pour la santé humaine.
Républicain : Vous venez de parler de l’infection de certains pays voisins comme le Sénégal, la Mauritanie et le Niger, pensez-vous que la source de contamination du Mali vient de là ?
Dr. Seydou Dara : C’est vrai qu’avec le Sénégal, nous avons beaucoup d’échanges commerciaux par rapport aux œufs à couvert et par rapport aux poussins d’un jour, mais on ne peut pas dire avec certitude que c’est venu de là-bas dans la mesure où les oiseaux sauvages peuvent aussi transporter la maladie comme c’est le cas de la Mauritanie où la maladie a été constatée dans l’avifaune. Donc, il y a des oiseaux migrateurs qui séjournent. Ils quittent l’Europe pour venir hiverner au Mali. Cela aussi est une possibilité. Pour le moment, nous sommes en train de faire des investigations pour connaître la source réelle, mais nous ne pouvons pas affirmer que la maladie vient des pays voisins.
Comment est-ce que nos éleveurs s’approvisionnent et où précisément ?
Dr. Seydou Dara : Les importateurs de chez nous fournissent les élevages avicoles. Nos principales sources d’approvisionnement à l’extérieur sont la Hollande, le Brésil et le Sénégal, avant l’apparition de la maladie chez ce dernier. Cependant, il faut retenir que dès lors qu’un pays déclare officiellement la maladie chez lui, nous interdisons l’importation des produits avicoles en provenance de ce pays et cette mesure est appliquée dans notre pays depuis 2005. Actuellement, le Brésil, le Maroc et la Hollande sont nos sources d’importation (des œufs à couvet et les poussins d’un jour) car ils ne sont pas encore affectés.
En cas d’apparition de la maladie à grippe aviaire dans une ferme avicole, quelles sont les dispositions à prendre ?
Dr. Seydou Dara :Dans ce cas, il faut d’abord délimiter la ferme, interdire l’entrée et la sortie dans la ferme et procéder à l’abattage systématique de tous les sujets présents dans la ferme, procéder également à la désinfection des matériels et des locauxutilisés.
Quelle est actuellement la situation de l’évolution de la maladie dans les exploitations avicoles citées à Sikasso, à Kati et à Bamako ?
Dr. Seydou Dara :A part le premier foyer signalé à Sikasso, il n’y a pas d’autres suspicions pour le moment, mais à Bamako une autre ferme a signalé des mortalités massives et la Direction Régionale des Services Vétérinaires a été faire des investigations et des prélèvements, mais les résultats de ces prélèvements sont attendus pour l’instant (il y a eu des mortalités massives mais tant que les résultats du Laboratoire ne sont pas disponibles on ne saurait confirmer si c’est la grippe aviaire ou pas).
Républicain : Trois foyers contaminés à Bamako, à Kati et à Sikasso, est- ce que réellement c’était de la grippe aviaire ?
Dr. Seydou Dara :Oui, les résultats du Laboratoire ont conclu à la source H5N1 et nous avons les fiches des résultats disponibles ici, mais il faut aussi la confirmation par un Laboratoire de référence de l’Organisation internationale de la Santé animale (OIE). C’est dans ce cadre que les résultats ont été envoyés, il y a deux semaines, au Laboratoire de Padou en Italie pour confirmation.
Républicain : Avez-vous une idée du nombre de perte dans les zones citées ?
Dr. Seydou Dara : A Sikasso, c’était des pondeuses âgées environ de 7 mois. Il y avait 40 000 sujets sensibles et il y a eu 30 000 morts, mais les 10 000 restants ont été abattus et détruits. A Kati, dans un village appelé Babougou, il y avait 10 000 sujets sensibles, il y a eu 9800 cas qui sont tous morts et les 200 sujets restant ont été abattus. A Bamako, c’est dans un poulailler et non une exploitation moderne où il y avait des dindons, des canards, des poulets brahman. Il y avait au total : 150 sujets dont 60 sujets sont morts et les 90 restants ont été abattus.
Républicain : Malgré la présence de cette maladie dans notre pays, il y a moins d’affluence
Dr. Seydou Dara :Les professionnels de l’aviculture sont très affectés, ils sont très inquiets parce que les mortalités dues à la grippe aviaire peuvent atteindre 90%.Donc, à la longue, ça peut affecter la production et même peut être la disponibilité de certains produits sur le marché, mais pour le moment ça ne ce fait pas sentir.
Républicain : Quelles sont les dispositions prises en vue de circonscrire totalement la maladie dans notre pays ?
Dr. Seydou Dara :Pour le moment, on a interdit l’importation des produits avicoles dans les pays affectés par la maladie et cette mesure nous a protégés pendant des années. La seconde mesure est l’abattage systématique au niveau du site pour que la maladie ne se propage pas à d’autres exploitations. La troisième mesure est la sensibilisation des aviculteurs par rapport à la question. Le ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et la Pêche a fait un communiqué officiel, mais en dehors de cela il y a un comité technique de coordination pour la grippe aviaire dont les membres sont informés de l’évolution au quotidien de la maladie. Aussi, la direction a élaboré un plan d’urgence avec l’appui de la FAO où toutes les équipes des services vétérinaires seront déployées sur toute l’étendue du territoire, mais en mettant l’accent sur les zones qui ont connu des foyers pour faire la surveillance. Ce sont actuellement les mesures prises pour circonscrire la maladie.
Républicain : Quels messages avez-vous à l’endroit de la population et les producteurs ?
Dr. Seydou Dara :La population ne doit pas paniquer parce que la consommation des produits avicoles ne pose aucun problème sanitaire. Maintenant, pour ce qui concerne les aviculteurs, c’est le respect strict des mesures bio sécuritaires au niveau de leurs exploitations. Il ne faut pas que n’importe qui puisse accéder à leurs exploitations, car on ne sait pas où ils sont passés avant. Les pertes directes sont estimées à plus de 80 000 sujets perdus pour les producteurs pour les trois foyers affectés et en plus du nouveau foyer découvert dont les résultats sont attendus.Les pertes indirectes sont énormes parce qu’il y a beaucoup d’activités qui gravitent autour de la production dont la vente des aliments, la vente des sujets et l’abattage.
Républicain : Quelle relation de collaboration existe entre les services vétérinaires et la Direction nationale du commerce et de la concurrence ?
Dr. Seydou Dara :Nous travaillons en étroite collaboration avec les services du commerce et de la concurrence. Chaque fois qu’ils délivrent une intention, ils exigent d’abord la signature des services vétérinaires. Donc, les importateurs viennent d’abord chez nous pour avoir le quitus des services vétérinaires qui attestent que le pays de provenance est indemne de grippe aviaire. Ce n’est qu’après cette certitude que la Direction nationale du commerce et de la concurrence délivre des attestations d’importation aux importateurs de produits avicoles.Aussi, la Direction nationale du commerce et de la concurrence est membre du comité de coordination pour la surveillance de la grippe aviaire.
Moussa Dagnoko
Source : Le Républicain