La mise en œuvre effective de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale issu du processus d’Alger est une nécessité pour le Mali de retrouver la stabilité et la cohésion sociale. L’application de ces accords d’Alger passe nécessairement par le dialogue. Toutes les composantes de la nation doivent se réunir pour chercher des voies et moyens et endiguer cette grave et profonde crise qui sévit depuis plusieurs années. C’est dans cet ordre d’idées que votre hebdomadaire d’informations générales “Notre Voie ” est allé à la rencontre de l’une des grandes personnalités des communautés du nord. Il s’agit de Nasser Ag Mohamed Ahmed, chef général de la tribu des Kel Ansar, non moins membre du Conseil National de Transition (CNT). Il a été question de la situation du pays, de la mise en œuvre de l’accord d’Alger, en passant par les missions de son organisation jusqu’aux problèmes liés au découpage administratif. Lisez plutôt
Notre Voie : Qui est Nasser Ag Mohamed Ahmed ?
Nasser : Je m’appelle Nasser Ag Mohamed Ahmed. Je suis fonctionnaire de mon état et Chef général de la Tribu KA depuis 2016. J’ai remplacé à cette dernière charge mon oncle Mohamed Elmehdi Alansary rappelé à Dieu. C’était à l’issue d’une Assemblée générale de toutes les fractions constitutives de la Tribu, conformément aux règles coutumières en la matière. Je suis en outre présentement membre du CNT.
–Expliquez- nous la création, missions et objectifs de votre organisation (Tribu des Kel Ansar)
-La Tribu KA est une confédération de plusieurs centaines de fractions dont le territoire d’attache s’étend de Bemba à la Mauritanie. Elle a toujours partagé ce vaste espace, en parfaite intelligence avec d’autres communautés sœurs. Sa création remonte à des temps immémoriaux mais, c’est surtout à partir du 15ème siècle qu’elle a atteint son apogée avec notamment le creusement d’un chapelet de puits ancestraux au nord de Tombouctou et l’exploitation, sous son autorité, des terres fertiles du Faguibine. Elle n’a jamais cessé d’œuvrer pour la cohésion sociale, le bon voisinage et la défense de sa zone d’influence contre toute agression extérieure. Elle a la chance d’avoir eu à sa tête de grands chefs visionnaires dont le leadership a permis la scolarisation massive de ses enfants. Elle a aussi joué un rôle de premier plan dans la reconquête de l’indépendance nationale et dans la formation civique de ses ressortissants. Pour toutes ces raisons, elle entend jouer toute sa partition dans la construction du pays, le bon vivre-ensemble de tous ses fils et une meilleure gouvernance de ses institutions.
-En tant que chef de la tribu kel ansar et membre du CNT, que pensez- vous de la situation du pays ; que préconisez-vous pour une sortie de crise ?
-La situation du pays est préoccupante mais pas désespérée. Le Mali, c’est comme le roseau. Il peut plier mais ne rompra jamais.
Pour la sortie de crise, j’adhère pleinement à la feuille de route de la Transition et je lance un appel à tous les Maliens pour l’accompagner du mieux qu’ils peuvent afin de sortir notre pays de l’ornière.
–Quelle est votre lecture sur l’accord pour la paix et la réconciliation nationale ?
-Je pense que l’Accord pour la Paix et la Réconciliation est une chance et une opportunité que tout le peuple malien doit saisir pour retrouver son unité et renouer avec son développement. C’est un instrument qui a été endossé par l’ensemble de la communauté internationale, y compris l’Union Africaine et la CEDEAO et rien qu’à ce titre, il engage toute la Nation qui, plutôt que de le fustiger sans alternative viable, doit à mon avis chercher à en tirer le meilleur parti possible.
–Selon vous, le dialogue serait-il un mécanisme de paix et de cohésion sociale ?
-Naturellement, aucun conflit ne peut trouver son véritable épilogue en dehors du dialogue. Nos sociétés traditionnelles recèlent dans ce domaine de nombreux mécanismes qu’il importe de redynamiser pour la prévention et le règlement de certains incidents de parcours qui peuvent surgir entre nos communautés
–En tant que membre du Conseil National de Transition (CNT), comment voyez-vous de cette transition ?
-En ma qualité de membre du CNT, je ne peux que soutenir de toutes mes forces cette transition en qui je place totalement ma confiance pour sauver notre pays et lui redonner sa place sur la scène africaine et internationale.
Le Mali est aujourd’hui assimilable à un immense chantier qu’il faut réaliser avec des matériaux solides et sans vices de construction pour qu’il puisse désormais résister à toute nouvelle secousse sismique, quelle que soit son amplitude. Et c’est cela, je pense, l’ambition fondamentale de la présente Transition.
–En ce qui concerne le découpage administratif, vous qui êtes les communautés du nord, notamment de la région de Tombouctou, que reprochez-vous à l’État ou aux autorités ?
-La région de Tombouctou était la plus vaste du pays. A elle seule, elle représentait plus de 40% du territoire national. Il était donc pertinent de revoir son organisation administrative pour rapprocher mieux l’Etat des citoyens et responsabiliser davantage les collectivités dans la gestion de leurs propres affaires. Cependant, il est important qu’un tel processus soit le plus participatif et inclusif possible pour limiter les frustrations qu’il est susceptible d’engendrer. Malheureusement, cela n’a pas toujours été le cas. Le dernier projet qui a circulé et qui vient de faire l’objet d’une réunion de validation sous l’égide du Gouverneur de Tombouctou, a particulièrement stupéfait les populations non seulement par son caractère unilatéral mais aussi par les découpages arbitraires qu’il préconise. J’espère vivement que le Gouvernement tirera toutes les conséquences des vagues d’indignation qu’il a soulevées pour rectifier le tir.
–Quelles seraient vos actions dans les jours à venir si toutefois vos doléances n’ont pas été à la hauteur des souhaits ?
-On continuera inlassablement à plaider auprès des plus hautes autorités afin que toutes les attentes légitimes de nos communautés soient adéquatement prises en compte et je suis d’avance persuadé qu’on finira par obtenir gain de cause.
–Votre mot de la fin ?
-Mon dernier mot s’adresse à nos gouvernants à qui je demande humblement d’être plus attentifs aux clameurs qui montent de nos campagnes et de ne pas toujours se fier uniquement à des travaux d’experts, trop souvent éloignés des réalités locales, pour opérer des choix hautement déterminants pour l’avenir du pays.
J’invite également nos communautés à la retenue mais aussi à persévérer dans la vigilance pour que des fonctionnaires ne perturbent pas depuis Bamako, par les décisions qu’ils inspirent, la cohésion et la cohérence de leurs terroirs.
Réalisée par Alassane Cissé
Notre Voie
Source : Maliweb.net