Dans la perspective d’aider le gouvernement malien à sortir d’une crise multidimensionnelle, la CDEAO et la Communauté internationale ont multiplié les visites aux Mali mettant en garde les autorités locales sur la nécessité de respecter les délais convenus pour les élections.
Ces visites provoquent toujours des tensions diplomatiques. Les autorités maliennes en bons souverains, s’estiment toujours lésés par les ultimatums lancés. Cette frustration ressentie en haut lieu incite la diffusion de communiqués aux allures de réprimandes.
Le dernier événement en date est la signification à l’ambassadeur de la CEDEAO d’une correspondance l’informant de son statut de « personne non grata” et de l’obligation de quitter le territoire malien dans les 72 heures. Les motifs avancés semblent peu convaincants mais c’est la version officielle qui compte. On lui reproche de vouloir déstabiliser la transition en rencontrant les membres de la société civile et ceux de certains partis opposés au pouvoir actuel.
Le délit ou crime de déstabilisation, difficile à qualifier juridiquement et qui avait été invoqué contre Boubou Cissé et consorts, fait son « come-back ». Par ailleurs, le renvoi du représentant de la CDEAO avec obligation de quitter le territoire nous semble juridiquement questionnable. En effet, les articles 4 et 9 de la Convention de Vienne n’ayant expressément prévu cette possibilité que pour le personnel diplomatique et consulaire d’un autre État. Est-il possible d’étendre cette procédure au représentant d’une organisation internationale ? Seuls les spécialistes de la diplomatie pourraient nous éclairer.
En outre, cette accusation tient-elle la route si l’on songe au fait que l’actuel PM avait à maintes reprises, lorsqu’il était dans la rue et jugeait illégal et illégitime le pouvoir de transition, rencontré le même représentant de la CEDEAO ? Sommes-nous en face d’une application sélective de la loi ? Où peut-être, s’agit-il d’une manœuvre diplomatique pour rappeler à la CEDEAO, la souveraineté de l’État malien ?
Dans les deux cas, l’émotion semble avoir pris le dessus. Cela est regrettable ! D’abord, en laissant la possibilité à la CEDEAO de dépêcher un remplaçant, stratégie diplomatique intelligente, les autorités font preuve d’un tâtonnement révélateur de la confusion qui règne en Haut lieu.
Ensuite, cet ambassadeur, peu désirable selon elles, aurait pu servir de facilitateur pour nos autorités, en raison de sa connaissance parfaite de la situation qui prévaut actuellement. Cela est d’autant plus vrai que rien ne prouve que le prochain représentant de la CDEAO soit en mesure de concilier les autorités maliennes avec la Communauté sous-régionale. N’ayant eu aucun contact avec la société civile et le mouvement M5-RFP, comment pourrait-il comprendre les demandes tendant à une prorogation de la transition ? Ne serait-il pas enclin à suivre les directives d’une CEDEAO qui s’accroche au respect du délai initialement convenu ?
Nous estimons que nos autorités ont commis, à la fois, une erreur diplomatique et stratégique. Il est vrai que la transition a le droit d’accréditer ou non tout autre envoyé de la CEDEAO. Mais, pour demeurer membre à part entière et profiter des avantages inhérents, le Mali est tenu de recevoir l’ambassadeur de l’organisation. Alors allons-nous échanger un émissaire dont les positions sont connues contre un tout nouvel envoyé dans un but précis ?
La question se pose puisque ni la CEDEAO, ni la Communauté internationale, n’en démordent. Les élections doivent se tenir aux dates convenues. Tous envoyés de ces organisations viendront avec l’ordre prioritaire de contribuer à l’organisation en février 2022 des élections libres et transparentes. Cette stratégie diplomatique, un bras de fer déguisé ou un dilatoire à la transmission du pouvoir aux civils, brouille d’avantage la recherche de solutions satisfaisantes pour les parties prenantes. On rappellera également que le Mali n’a pas les moyens de se mettre à dos ses partenaires. Le Mali est dans une situation chaotique qui ne lui permet pas de se débarrasser, en dépit de leurs défauts et défaillances, de ceux qui ont permis de stopper l’avancée des terroristes.
On ne peut qu’exhorter nos dirigeants, dont le patriotisme n’est pas questionné, à plus de prudence. Avec la flambée des prix des denrées alimentaires, les menaces et attaquent visant les récoltes, nous ne sommes pas sûrs que le Mali puisse endurer un embargo.
Dr DOUGOUNÉ Moussa
Source : Le pélican