Me Mountaga Tall, président du CNID-FYT : « La Transition doit éviter deux écueils principaux »

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Me Mountaga Tall
Me Mountaga Tall

Me Mountaga Tall : Les Maliens, à travers des actions portées par le M5-RFP parachevées par le Conseil national pour le salut du peuple (CNSP) ont réussi, sans effusion de sang, sans installer le chaos, à obtenir la démission de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta.

La dissolution de l’Assemblée nationale et celle du gouvernement par le président sortant, avant sa propre démission qu’il a déclarée libre et volontaire devant les émissaires de la Cedeao closent en quelque sorte le débat sur la nature du changement intervenu au Mali.

Seulement lui, le départ du pouvoir de l’ancien président ne saurait en aucun cas être un objectif en soi. L’après-IBK est et sera jalonné par de très nombreux défis que les Maliens doivent relever pour bâtir le Mali nouveau, souhaité et espéré par tous. Les vaines polémiques et les querelles de positionnement que nous observons ne pourraient pas nous y aider.

Il faudrait que les Maliens s’unissent en refusant les clivages factices évoqués pour les diviser. Rien ne devrait opposer les générations qui doivent se suivre et se compléter, les civils et les militaires dont les actions ont rendu le changement possible, les religieux et les laïcs … doivent être conviés sur le chantier de la reconstruction nationale, tous ceux qui, dans un esprit patriotique, adhèrent au changement et s’engagent à mettre en place un socle fort pour l’État de droit qui présuppose des institutions fortes.

Le défi, c’est aussi le retour du Mali dans le concert des nations pour y prendre toute sa place. Nous devons, à cet effet, poursuivre les discussions avec la Cedeao qui n’est autre que nous-mêmes pour trouver ensemble des solutions conformes aux réalités du Mali, aux textes communautaires et en dehors des sanctions qui sont par nature contre-productives et qui pénalisent d’abord les couches les plus fragiles. C’est urgent et c’est possible. Les concertations envisagées pourraient, si elles sont correctement menées, y contribuer grandement.

Depuis le 18 août dernier, certains officiers de l’armée sont au cœur du jeu politique dans notre pays. Quelles appréciations faites-vous des actions qu’ils ont entreprises jusque-là ?

Me Mountaga Tall : C’est un fait que nos forces de défense et de sécurité, regroupées dans le Conseil national pour le salut du peuple ont, dans un élan patriotique, parachevé l’action que menait le M5-RFP depuis de nombreux mois. Ils ont engagé leurs vies et pris des risques énormes pour épargner au Mali le pire qui se préparait contre les manifestants.

J’ai toujours dit qu’il faut éviter d’opposer les Maliens les uns aux autres. Qu’importe pour moi qu’un Malien soit en uniforme ou en tenue civile. Il nous faudrait apprendre à apprécier les actes posés en fonction de leur pertinence et de leur utilité. Sous cet angle, vous constaterez que non seulement la chaîne de commandement n’a pas été rompue, et même qu’il y a eu une montée en puissance dans la lutte contre la terreur.

Mais sur le plan politique, qui n’est pas le terrain connu des militaires, la nécessité d’une plus grande convergence, sans exclusion de qui que ce soit, s’impose. Les légitimités conquises par le M5-RFP et le CNSP font d’eux les principaux comptables de la réussite ou, qu’à Dieu ne plaise de l’échec de la Transition.

Ils doivent donc instaurer entre eux une meilleure coordination, une compréhension partagée de la Transition qui sera enrichie et prise en charge par l’ensemble des forces vives de la nation. En un mot, il ne faut ni exclure, ni diluer les responsabilités, ni nier l’histoire immédiate de notre pays.

En tant que membre du comité stratégique du M5-RFP, j’ai participé à la rencontre de notre regroupement avec le CNSP au cours de laquelle nous avons fait part de nos appréciations, suggestions et critiques. Je ne saurais, à ce stade, aller au-delà.

Les Maliens fondent beaucoup d’espoir sur la Transition qui s’annonce. Quel schéma préconisez-vous sur son format, ses missions et sa durée ?

La Transition doit éviter deux écueils principaux : l’enlisement et la précipitation. Dans ce cadre, toutes les missions doivent être clairement listées et un chronogramme élaboré sur leur faisabilité. Bien sûr, il ne s’agira que des tâches qui ne peuvent être différées et qui posent les fondements du nouveau Mali.

Une période comprise entre 12 à 18 mois pourrait être envisagée si les acteurs de la Transition décident de mettre les bouchées doubles. L’architecture institutionnelle de la Transition doit être la plus proche possible des standards sous régionaux. La future Constitution sera sans doute plus innovante.

La Transition, de mon point de vue, doit être civile sans, en aucun cas, exclure les militaires. Cela signifie que toutes les options doivent rester ouvertes pour les militaires sous l’autorité d’un président de la Transition civile. Aucune autre exclusion ne devrait être envisagée. Les seuls critères qu’il faudrait désormais retenir pour assumer des responsabilités au Mali devraient être la probité, la compétence et l’amour de la patrie.

Pour être efficace, la Transition ne doit pas se disperser. Elle devrait tout d’abord restaurer la confiance entre gouvernants et gouvernés par des mesures fortes et mettre en place les fondements d’une gouvernance vertueuse : garde-fous contre la corruption et l’impunité, instauration d’un nouveau cadre pour des élections transparentes et démocratiques, élaboration d’une nouvelle Constitution.

Les questions liées à la réconciliation nationale incluant la mise en œuvre de l’Accord de paix et celles relatives aux questions sécuritaires devraient occuper, elles aussi, une place éminente.

Enfin devraient être jetées les bases d’initiatives économiques et financières robustes. La Transition pourrait être fière de son bilan si elle réussit à accomplir ces missions-clés.

Propos recueillis par Bembablin DOUMBIA 

Source : L’Essor 

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